Le djihadiste Richard Reid contredit Moussaoui (Le Monde)

Publié le par Eric Leser

En affirmant, au cours de deux témoignages, les 27 mars et 13 avril, qu'il devait participer aux attaques du 11 septembre 2001 contre les Etats-Unis, Zacarias Moussaoui a rendu un immense service à l'accusation et la tâche presque impossible à ses avocats.

Ces dépositions devant le tribunal fédéral d'Alexandria, en Virginie, qualifiées de suicidaires, sont suffisantes, si elles sont crédibles, pour le faire condamner à mort. Pour tenter de le sauver, même contre sa volonté de devenir un martyr, la défense tente, depuis une semaine, de le décrédibiliser, par tous les moyens. Elle a cherché, sans grand succès, à prouver qu'il était un malade mental. Mercredi 19 et jeudi 20 avril, elle a été plus convaincante, pour le présenter comme un affabulateur.

L'accusé a affirmé qu'il devait détourner un cinquième avion le 11 septembre 2001 et le précipiter sur la Maison Blanche, avec l'aide de Richard Reid, son copain d'entraînement dans les camps d'Al-Qaida, en Afghanistan.

Mais une série de documents inédits (déclassifiés avec l'accord du gouvernement, et devant être considérés par les jurés comme des faits) soulignent qu'il est peu vraisemblable que Richard Reid et Zacarias Moussaoui aient pu participer au 11-Septembre. "Il n'existe aucune preuve montrant que Richard Reid connaissait les attaques du 11 septembre 2001 avant qu'elles se produisent et ait reçu pour instruction des dirigeants d'Al-Qaida de conduire une opération avec Moussaoui", affirme l'un de ces textes.
Pour deux analystes anonymes du FBI, la police fédérale, "Richard Reid devait mener une attaque en décembre 2001, simultanément avec un certain Saagid Badat, qui n'a pas pu le faire". Richard Reid, citoyen britannique, a bien été empêché in extremis, le 22 décembre 2001, de faire exploser le vol Paris-Miami d'American Airlines, avec ses chaussures remplies d'explosifs. Il a plaidé coupable et a été condamné par la justice américaine à la détention à perpétuité.
Pour le FBI, "il est hautement improbable qu'il soit impliqué dans les opérations du 11 septembre 2001", et dans un attentat mené avec Zacarias Moussaoui. "Richard Reid avait établi un testament en faveur de Moussaoui", ce qui prouve sans contestation qu'ils ne devaient pas mourir ensemble. Pendant que Zacarias Moussaoui se trouvait aux Etats-Unis, à partir de février 2001, pour apprendre à piloter, Richard Reid, lui, faisait tout autre chose. Entre mai et septembre 2001, il a voyagé en Afghanistan, au Pakistan, aux Pays-Bas, en Israël et en Turquie. Tous les pirates de l'air du 11-Septembre se trouvaient aux Etats-Unis avant juillet 2001.
A cette date-là, Richard Reid faisait des repérages en Israël pour y mener des attentats. Il a expliqué que l'idée de mettre des explosifs dans ses chaussures lui était venue après avoir remarqué que la compagnie aérienne israélienne ne les contrôlaient pas. Mais Richard Reid a finalement "changé de cible, d'Israël aux Etats-Unis, après les premiers bombardements américains contre les talibans en Afghanistan".
Un autre document inédit, un rapport de la CIA, l'Agence centrale de renseignement, daté de juin 2003, montre que les pirates de l'air du 11-Septembre ont suivi une préparation spécifique, sans rapport avec celle de Richard Reid et Zacarias Moussaoui. "Leur sélection s'est faite en Afghanistan. Les équipes ont été formées de façon à être composées d'individus complémentaires. Ben Laden tenait à ce que les commandos soient constitués de personnes se connaissant bien." La cellule de Hambourg, qui comprenait trois des quatre pilotes du 11-Septembre (Mohammed Atta, Marwan Al-Shehhi, Ziad Jarrah) et le coordonnateur (Ramzi Ben Al-Shaiba), s'est entraînée longuement en Afghanistan, en 1999.
Un autre rapport déclassifié confirme, pour la première fois officiellement, que six membres importants d'Al-Qaida ayant directement participé à l'organisation et au financement des attaques du 11-Septembre, dont Ramzi Ben Al-Shaiba et le cerveau de l'opération, Khaled Cheikh Mohammed, ont été capturés par les Etats-Unis entre décembre 2001 et avril 2003. Le document reconnaît implicitement qu'aucun d'entre eux, bien plus impliqués que Zacarias Moussaoui, n'a à répondre de ses actes devant la justice américaine.
La défense et l'accusation prononceront leurs dernières plaidoiries dans la matinée de lundi 24 avril, et les jurés commenceront à délibérer dans l'après-midi.

Publié dans Articles de presse

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