Réserves de la juge et embarras d'un ancien du FBI au procès de Moussaoui (AFP)
ALEXANDRIA (Etats-Unis) (AFP) - Le procès de Zacarias Moussaoui à Alexandria (Virginie, est) a été marqué mardi par une juge toujours aussi réservée sur les thèses de l'accusation et l'embarras d'un ex-responsable du FBI, qui ignorait tout d'un rapport alarmant sur l'accusé, en août 2001.
Le procès au tribunal fédéral d'Alexandria, le premier aux Etats-Unis lien avec les attentats du 11-Septembre, vise uniquement à déterminer si le Français doit être condamné à mort ou à la prison à vie, après avoir plaidé coupable de complicité avec les auteurs des attaques.
Pour cette sixième journée de débats au fond, les procureurs ont notamment interrogé Michael Rollince, ancien chef de la section chargée du terrorisme international au FBI (police fédérale), le plus haut responsable du FBI entendu jusque-là.
L'accusation affirme que si Moussaoui n'avait pas nié être un terroriste d'Al-Qaïda et révélé ses connaissances sur les attentats qui se préparaient, lors de son arrestation en août 2001, les attaques auraient pu être au moins partiellement évitées. Ses mensonges feraient donc de lui un "tueur" méritant la peine de mort, selon les procureurs.
Michael Rolince devait les aider à prouver cette thèse en expliquant que, compte-tenu du niveau d'alerte très élevé qui prévalait pendant l'été 2001, des informations précises fournies par Moussaoui auraient facilité la tâche de la police.
Mais mardi, lorsque le procureur David Raskin a voulu interroger Michael Rollince sur ce que le FBI aurait fait avec ces informations, la juge Leonie Brinkema l'a corrigé en signalant que l'on pouvait s'interroger sur ce que le FBI aurait "pu faire", mais non sur ce qu'il aurait "fait".
Elle a ensuite insisté: "Les jurés ne peuvent pas prendre de décisions en se fondant sur des spéculations".
"On ne décide pas en se fondant sur ce qui serait arrivé (si Moussaoui avait parlé). Personne ne sait ce qui serait arrivé", a-t-elle ajouté, en exprimant une nouvelle fois sa réserve sur la thèse du gouvernement.
"Je ne connais pas une seule affaire dans laquelle le fait de ne pas avoir fait quelque chose a eu pour conséquence l'application de la peine de mort", avait-elle aussi déclaré le 9 mars.
Des rapports de renseignement évoqués mardi indiquaient que des attaques, peut-être de dimension "catastrophique" étaient en préparation pendant l'été 2001.
M. Rollince a indiqué qu'il savait qu'un homme, Moussaoui, avait été arrêté dans le Minnesota (nord), alors qu'il prenait des cours de pilotage, et que ses déclarations étaient suspectes.
L'avocat de Moussaoui, Edward MacMahon, lui a demandé s'il avait connaissance d'un document où celui-ci était qualifié de présumé terroriste islamiste, qui voulait "détourner un avion".
- "Quel est ce document?", a demandé l'ancien responsable. Le rapport d'enquête de l'agent du FBI Harry Samit, envoyé le 18 août 2001, a répondu l'avocat à l'ancien haut responsable, visiblement gêné.
La défense de Moussaoui cherche à prouver que le FBI disposait en réalité de beaucoup d'informations qu'il n'a pas su exploiter.
L'agent Samit, qui avait placé Moussaoui en garde à vue le 16 août 2001, n'a jamais obtenu de sa hiérarchie la possibilité de demander un mandat de perquisition pour fouiller ses affaires, en dépit de ses rapports alarmants. Il y aurait trouvé, avant le 11-Septembre, un numéro de téléphone menant à l'un des organisateurs des attentats.
En début de matinée mardi, un ancien colocataire de Moussaoui, Hussein al-Attas, qui avait cohabité avec lui en juillet et août 2001 aux Etats-Unis, a pour sa part affirmé que le Français était à l'époque obsédé par le "jihad" (guerre sainte), seul moyen selon lui d'aller "au paradis". L'audience reprend mercredi, avec d'autres témoins de l'accusation.