Procès Moussaoui: un personnage "peut-être très dangereux" ignoré en haut lieu (AFP)

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ALEXANDRIA (AFP) - Le procès de Zacarias Moussaoui a repris lundi à Alexandria (Virginie), avec la présentation de nombreux documents faisant état, dès la mi-août 2001, de son éventuel projet de détournement d'avion et de sa "dangerosité", ignorée en haut lieu.

Dans la chambre 700 du tribunal fédéral d'Alexandria, non loin de Washington, un avocat de Moussaoui, seul à comparaître pour le premier procès aux Etats-Unis en lien avec les attentats du 11-Septembre, a longuement interrogé l'agent Harry Samit de la police fédérale (FBI), sur ses courriers au sujet de Moussaoui.

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M. Samit, qui avait placé en garde à vue Zacarias Moussaoui le 16 août 2001, a reconnu avoir rédigé "à 70 reprises", en août 2001, des documents où il le qualifiait de "terroriste".

Samit, qui ne souhaitait pas particulièrement coopérer avec les avocats du Français - il a refusé de les rencontrer avant le procès - a aussi convenu que ses alertes étaient restées sans réponse.

L'agent souhaitait pouvoir fouiller les affaires de Moussaoui, où il aurait trouvé un numéro de téléphone menant à l'un des organisateurs des attentats, Ramzi bin al-Shaiba, mais il lui fallait pour cela un mandat de perquisition que sa hiérarchie n'a pas voulu demander aux juges compétents.

"Cela nous a privés de l'opportunité d'arrêter les attaques", a-t-il dit.

La défense souhaite démontrer que le FBI disposait d'informations cruciales qu'il a ignorées.

Le gouvernement veut au contraire convaincre le jury que Moussaoui, qui a plaidé coupable de complicité avec les auteurs des attentats, doit être condamné à mort et non à la prison à vie, car ses mensonges ont empêché que l'opération soit prévenue.

L'agent a relu beaucoup de courriers, comme cet email où il notait que Moussaoui "avait payé entre 6.000 et 8.000 dollars, essentiellement pour apprendre à atterrir et décoller (...) suggérant évidemment un projet de détournement d'avion".

Concernant l'absence de mandat de perquisition l'avocat Edward MacMahon ne lui a épargné aucune question.

Par exemple, lorsque Samit a tenté d'expliquer que si Moussaoui avait parlé "cela aurait été très différent": "Allez-vous affirmer à ce jury que l'on ne peut obtenir un mandat de perquisition (...) que lorsque quelqu'un vous dit être un terroriste?"

Puis la défense a épluché un rapport d'enquête de Samit en date du 18 août, adressé au siège du FBI à Washington.

Moussaoui est un "musulman extrêmement religieux", écrit-il, qui a voulu prendre des cours de pilotage de Boeing 747-400 sur simulateur et qui a indiqué à son colocataire Hussein al-Attas que tuer des civils était "acceptable".

"Vous vouliez que les gens de Washington sachent?", lui demande inlassablement Edward MacMahon. "Oui", répond l'agent.

Dans ce rapport le policier écrit aussi qu'il soupçonne Moussaoui de préparer un détournement.

Plus tard, les 22 et 30 août, un agent de l'ambassade des Etats-Unis à Paris transmet à Samit des informations très précises: selon des sources en France, Zacarias Moussaoui a recruté un homme parti combattre en Tchétchénie , sous le commandement du Saoudien Ibn Al-Khattab, lui même lié à Oussama Ben Laden.

Une source en France a aussi décrit Moussaoui comme un homme "extrêmement cynique", et "potentiellement très dangereux".

Mais ces informations relayées en haut lieu, en particulier à un responsable du bureau du FBI à Minneapolis (Minnesota, nord), Michael Maltbie, ne suffisent pas.

"Le 10 septembre 2001, vous étiez désespéré ?", a demandé Me MacMahon. "Oui", a répondu Samit, qui par le passé avait évoqué la "négligence criminelle" de ses interlocuteurs. L'audience doit se poursuivre mardi avec le témoignage par vidéoconférence, le 10 juin 2004, d'Hussein al-Attas, l'ancien colocataire.

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